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DEPUIS MARS, LES AMÉRICAINS SE RUENT SUR LES ARMES À FEU

Ce printemps, les Américains ont acheté 3 millions d’armes de plus qu’à l’accoutumée.

Quand les Américains s’inquiètent, ils achètent des armes. Et c’est d’autant plus vrai depuis mars, expliquent deux chercheurs du Wellesley College, Robin McKnight et Phillip Levine. Dans leur étude publiée par la sérieuse Brookings Institution, ils expliquent qu’entre mars et juin 2020, les Américains ont acheté trois millions d’armes de plus qu’à l’accoutumée, en comparant les données de 2020 avec les printemps précédents. Et la moitié de ces ventes additionnelles ont été effectuées pour le seul mois de juin.

Pour leur étude, les chercheurs s’appuient sur le nombre de « background checks » réalisés par le FBI – les vérifications nécessaires avant qu’un armurier licencié puisse délivrer une arme à son client. Ces données ne mesurent donc pas exactement le nombre d’armes réellement vendues (puisqu’en cas de cette vérification des antécédents non concluant, l’arme ne peut être délivrée), mais elles permettent de donner une estimation plutôt précise de la situation, assurent les chercheurs.

S’il est fréquent que les achats d’armes connaissent des hausses subites aux États-Unis, elles suivent généralement un débat sur de possibles restrictions d’accès aux armes. Comme après la fusillade de Sandy Hook fin 2012 ou l’attaque de San Bernardino en 2015. Or, en 2020, la hausse serait plutôt due à un sentiment d’insécurité général nourri par deux phénomènes : l’arrivée du Covid-19 en mars (suivie d’une chute historique de l’économie), puis la vague de manifestations en juin (conjointes des appels à dé-financer la police).

Avant l’arrivée du Covid-19 sur le sol américain, on comptait en moyenne 92 000 ventes d’armes par jour, pour les mois de janvier et février 2020. Puis le 13 mars, le président Donald Trump a déclaré l’urgence nationale. Les ventes d’armes sont alors passées à 120 000 par jour. Pour les chercheurs, cette augmentation serait due à un sentiment national et général d’insécurité, puisqu’ils n’ont pas relevé de hausses plus massives dans les États plus lourdement frappés par l’épidémie ou les licenciements.

Puis, le 25 mai, George Floyd a été tué par un officier de police de la ville de Minneapolis, déclenchant une vague de manifestations à travers le pays. Mais aussi une nouvelle course chez les armuriers. Les 2 et 3 juin, 150 000 armes par jour ont été vendues. Jamais les Américains n’avaient acheté autant d’armes qu’en ce mois de juin. (Du moins, depuis 1998 et le début du relevé de ce type de données.) 3,9 millions d’armes ont été vendues, soit 1,4 millions de plus qu’un mois de juin normal.

Pour cette vague de juin, les chercheurs se sont aperçus que les hausses de ventes d’armes n’étaient pas également réparties selon les États. Elles ont été plus massives dans les États où « l’animosité raciale » est plus grande. Un phénomène nouveau, qui n’était pas observable pour les précédentes hausses. « Il est inquiétant de voir que le débat nécessaire sur les injustices raciales s’accompagne par davantage d’armes se retrouvant entre les mains d’Américains, » s’alarment les chercheurs. Il est difficile de savoir qui achète ces armes. Les inquiétudes concernant la sécurité personnelle dans le cadre de tensions raciales peuvent amener n’importe qui, peu importe sa couleur de peau, à acheter des armes, expliquent les chercheurs. Tout en rappelant qu’aux États-Unis, « les blancs ont davantage tendance à posséder des armes que les Noirs (49% contre 32%). »

Aux États-Unis, 400 millions d’armes sont désormais en circulation, dans un pays qui compte 330 millions d’habitants. 19 millions d’armes ont été vendues depuis le début de l’année, soit plus d’une pour 20 Américains.

Pierre LANGERAY

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